L'ancien président a été flou sur une éventuelle abrogation de la loi Taubira en cas de victoire en 2017, hésitant entre le risque de se ringardiser et celui de se couper de la droite conservatrice.
Dimanche soir, le candidat au leadership de la droite a dit avoir «détesté» ce débat sur le mariage au cours duquel son successeur aurait«humilié la famille» et «divisé [la France] comme jamais». «Vous me demandez: "est-ce que vous ferez de la même façon ?" Je n’utiliserai pas les familles contre des homosexuels, comme on a utilisé des homosexuels contre les familles.» La formule, en plus d’être stigmatisante et maladroite, laisse dans un flou total ses intentions sur l’abrogation du texte Taubira.
En tentant de ménager tout le monde, l’ex-chef de l’Etat n’a satisfait personne. L’Inter-LGBT a entendu des «propos insultants et homophobes». Et la Manif pour tous, si elle juge le message «plutôt bien pour la forme», reste sur sa faim: «pour le fond c’est quoi votre réponse?» Le mouvement qui a ferraillé contre le texte dans la rue, exige que Sarkozy«s’engage davantage».
«IL NE PEUT PAS DONNER UNE DÉCISION À LA VA-VITE»
Les jeunes responsables de Sens commun, mouvement né de la Manif pour tous pour faire du lobbying auprès des responsables UMP, n’ont pas compris davantage où voulait en venir Sarkozy. Les explications qu’il leur a données, lors d’un déjeuner il y a dix jours, semblent tout aussi brumeuses. Il «a dit qu’il y réfléchissait», «que la question était délicate de par ses conséquences juridiques», raconte Sébastien Pilard. «A aucun moment, il n’a exclu de revenir sur ce dossier.» Il n’a rien promis non plus.
A l'évidence, le dossier n'est pas au sommet de sa pile. Mais Sarkozy peut-il se permettre de ne pas tenir une position claire sur le mariage pour tous ? Ses soutiens plaident pour qu’on laisse du temps à celui qui sort à peine de sa (fausse) retraite. «Il veut écouter, entendre, ensuite il dira ce qu’il veut faire», temporise Laurent Wauquiez. Chantre d’une droite «qui assume ses valeurs», le quadra a couru les campus UMP de l’été pour expliquer aux militants combien la droite ne devait pas être tiède sur le sujet. Manière de tacler le candidat à la tête du parti, Bruno Le Maire, qui s’était abstenu lors du débat parlementaire. Voilà Wauquiez plus accommodant lorsque c’est Sarkozy qui hésite. Gérald Darmanin, nouveau porte-parole du candidat à la présidence de l'UMP, confirme que «Sarkozy pense que c’est une question trop compliquée pour répondre par oui ou par non» et ne se prononcera pas tout de suite.
«Il ne peut pas donner une décision à la va-vite, à la fin d’une émission. On ne peut pas lui demander, à peine revenu, de présenter un programme détaillé», justifie Guillaume Peltier. Pour faire patienter les troupes anti-mariage pour tous, le cofondateur du courant La Droite forte leur suggère de se raccrocher aux discours des sarkozystes : «Que ces Français entendent que des personnalités comme Laurent Wauquiez, Henri Guaino ou moi, se prononcent régulièrement pour l’abrogation.»
«UNE ATTENTE DE CLARIFICATION»
Mais pourquoi les antimariage donneraient-ils le ton ? Dans le camp de l’ancien président, NKM «ne souhaite pas du tout revenir en arrière». Les principaux rivaux de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon, ont, de leur côté, déjà laissé entendre que la droite n’effacera pas la loi, acceptée par la majorité de la société et, sur le plan juridique, extrêmement complexe à détricoter. «Soyons réalistes, on ne va pas "démarier" des couples légalement unis», ferme Alain Juppé dans Valeurs Actuelles.
Pour Hervé Mariton, infatigable opposant à la loi, l’atermoiement de Nicolas Sarkozy est à la fois «une tactique et une ambiguïté de conviction». L’ancien président – qui a été favorable à une union civile pour les couples de même sexe – a toujours été«ambigu», se souvient-il, racontant que Sarkozy l’a félicité il y a un an par ces mots:«Chapeau pour ton combat mais je n’ai pas la même définition de la famille que toi.» Des trois candidats au congrès de l’UMP, «le seul qui est clair c’est ma pomme», fanfaronne le député de la Drôme, qui ne va pas se priver d’en faire un argument de campagne. «Le sujet a animé des mois notre famille politique et soudain on l’oublierait? Non, on serait en dessous de tout. Je serai le candidat de la constance des convictions», décrète Mariton alors que les anti-mariage, amalgamant au débat PMA et GPA, défileront le 5 octobre.
Sur la même ligne, le député UMP Philippe Gosselin s’inquiète que son camp n’offre pas un débouché politique aux milliers d’antimariage pour tous. «Ce qui s’est passé dans nos manifs est une donne nouvelle. Beaucoup de Français sont en attente de clarification.» Il presse l’ex-président de «lever l’ambiguïté. Sinon ce sera un caillou dans sa chaussure». Christine Boutin, obsédée par la loi Taubira et convaincue que«le mariage gay sera un point très important de la campagne», s’est montrée plus menaçante : si Sarkozy ne promet pas d’abroger la loi, «il lui manquera un million de voix aux présidentielles».
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