Dans des avis très attendus, la Cour de cassation a clarifié mardi la loi sur le mariage homosexuel en estimant, à l’instar d’une majorité de tribunaux, que le recours à la PMA à l’étranger n’est pas «un obstacle» à l’adoption au sein d’un couple de femmes.
«Le recours» à la procréation médicalement assistée (PMA), «sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de l’enfant né de cette procréation», écrit la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire dans deux avis rendus mardi.
La Cour avait été saisie par les tribunaux de grande instance d’Avignon et Poitiers pour trancher cette question de droit qui suscitait une «instabilité juridique», après des jugements contradictoires.
«Ces avis mettront fin à plusieurs mois d’insécurité juridique pour les familles homoparentales», a salué la garde des Sceaux Christiane Taubira qui avait défendu la loi sur le «mariage pour tous». Ils «favoriseront une harmonisation de la jurisprudence. L’adoption est désormais clairement ouverte, sous toutes ses formes, à tous les couples mariés conformément à la loi du 17 mai 2013», a-t-elle expliqué.
La loi Taubira, qui a aussi ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, n’a pas changé le statut de la PMA: elle reste donc théoriquement réservée en France aux couples hétérosexuels.
Mais dans la pratique, plus de 95% des tribunaux saisis de demandes d’adoption formulées par les épouses de mères d’enfant nés à l’étranger sous PMA se sont prononcés favorablement, selon une étude commandée par la Chancellerie.
Seuls neuf refus ont été enregistrés qui évoquaient «une fraude à la loi». Un argument aujourd’hui «écarté» par la Cour de cassation.
«En France, certes sous conditions, cette pratique médicale est autorisée», rappelle la haute juridiction à propos de la PMA ouverte aux couples hétérosexuels. «Dès lors, dit-elle, le fait que des femmes y aient recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français».
- Décision 'logique' ou 'scandaleuse' -
Le cour indique tirer ainsi les conséquences de la loi Taubira «qui a eu pour effet de permettre», en autorisant l’adoption pour des couples homosexuels, «l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de conception de cet enfant».
Si les avis de la Cour de cassation sont non contraignants, leur caractère officiel et l’autorité de la haute juridiction leur confèrent une portée que les tribunaux ne peuvent ignorer.
La nouvelle a été saluée par les associations homosexuelles et leurs sympathisants.
«C’est un soulagement pour les familles homoparentales qui vont voir les procédures d’adoption reprendre dans les TGI où elles étaient paralysées», s’est réjouie l’association «Enfant d’Arc en ciel».
«Les couples de femmes n’ont plus à trembler», a salué l’avocate Caroline Mecary, très impliquée dans ces dossiers. L’Association des familles homoparentales (ADFH) salue elle «un avis qui ne vise que l’intérêt supérieur de l’enfant à être protégé».
«C’est une décision logique qui va permettre de sécuriser nombre de familles», ont estimé les écologistes d’EELV, disant qui dit avoir déposé «une proposition de loi relative à l’accès égalitaire pour toutes aux techniques d’assistance à la procréation».
Mais l’annonce de la Cour de Cassation a également provoqué la colère des opposants au mariage pour tous.
«La justice confirme son encouragement à contourner la législation française. C’est hallucinant», s’est ainsi indignée Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour Tous.
«Cette décision scandaleuse revient de facto à légaliser la commercialisation des enfants», a dénoncé le député Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République.
«C’est un jour de deuil pour les droits de l’enfant», s’est indignée l’Association des juristes pour l’enfance, partenaire de la Manif pour tous, en appelant les tribunaux «à refuser de suivre cet avis honteux».
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